Trois questions à Virginie Mami, référente accessibilité numérique à la Métropole de Lyon

Pouvez-vous vous présenter rapidement ? 

Depuis juin 2012, je suis responsable patrimoine web et numérique dans l’équipe en charge de la maintenance des sites internet, de l’intranet, de l’extranet et des espaces collaboratifs. La Métropole de Lyon regroupe 58 communes et nous gérons une cinquantaine de sites web visibles. On compte plus de 250 applications métier. Il y a également beaucoup de sites web “cachés” à travers les délégations de service public et les conventions.    

Notre équipe a toujours prêté attention à l’accessibilité numérique. A l’origine c’est notre prestataire de développement qui avait cette expertise et intégrait systématiquement des audits pour chaque nouveau développement.  Après le COVID je souhaitais m’orienter vers des missions de service public qui faisaient sens, souhait qui a été tout de suite compris par ma responsable. Au printemps 2021, j’ai suivi une formation AccessiWeb pour monter en compétence au niveau technique afin d’être plus à l’aise avec le référentiel et les rapports d’audits, et être en mesure de répondre à des collègues. Assez rapidement je me suis orientée vers la mission de Référente accessibilité numérique en suivant une formation dédiée proposée par Access 42. Avec cette formation, j’ai pris conscience qu’il fallait demander du temps de travail dédié. Aujourd’hui cette mission est inscrite dans ma fiche de poste et j’ai 2 jours par semaine dédiés à l’accessibilité numérique. J’adore tout ce que je fais ! 

Sanctuariser ce temps permet d’inscrire votre mission dans la durée, mais pour un parc de cette taille, vous devez sans doute vous appuyer sur des relais au sein de la Métropole ? 

L’inclusion numérique est un axe majeur de l’exécutif de la Métropole de Lyon. Émeline Baume, la vice-présidente au numérique s’est montrée d’un grand soutien et est très intéressée par le sujet.  

Le directeur de l’informatique est également très moteur sur le sujet, en imposant le respect des critères d’accessibilité dans tout nouveau projet.  

Il y a un autre appui qui a énormément fait avancer le sujet à la Métropole : la Commission Métropolitaine d’Accessibilité (CMA). Cette instance de consultation auprès de 25 associations de personnes en situation de handicap a été créée en novembre 2015 et installée en décembre 2015. Elle est constituée de différents groupes de travail : voirie et espaces publics, transports en commun, établissements recevant du public et logement. En 2021 le groupe de travail Accessibilité numérique et communication a été officialisé.  

A travers ce groupe de travail, on organise 4 à 5 ateliers par an pour faire tester nos sites web par des personnes en situation de handicap.  On recense en direct tous les bugs techniques rencontrés (à noter que les blocages d’accessibilité sont traités comme des bugs à corriger et non pas comme des demandes d’évolutions vis-à-vis des prestataires). On évalue en parallèle l’expérience utilisateur. A titre d’exemple, sur notre site de trafic Agence des Mobilités le calcul d’itinéraire a été largement amélioré grâce à l’atelier qu’on a pu mener avec des testeurs en situation de handicap. On ne se limite pas à des sites qu’on estime plutôt bien faits, mais on cherche au contraire à être aussi transparent et honnête que possible, en espérant pouvoir améliorer un maximum de choses. 

Ce travail collaboratif est extrêmement précieux et valorisant pour l’ensemble des parties prenantes. Voir des usagers bloqués à telle étape ou empêchés de consulter telle page est très marquant. C’est une forme de sensibilisation en continue.  

Il y a un autre point très positif : la rencontre entre les personnes handicapées qui découvrent les difficultés rencontrées par les uns et les autres.  

Avez-vous d’autres leviers pour sensibiliser les collaborateurs et faire avancer l’accessibilité numérique à la Métropole ? 

Tout à fait. Tout d’abord, on fait régulièrement appel à des sociétés spécialisées pour former nos équipes.  Il est très important pour nous de savoir que les efforts entrepris pour créer des sites qui sont techniquement accessibles sont maintenus par la suite. Plus de 70 webmestres et contributeurs web ont suivi une formation en 2024.  Nous avons également formé les infographistes designers.  

Avec mes collègues Antoine Louvet, chef de projet inclusion numérique, et Luc Gomez, designer, nous avons également mis en place un jeu sérieux de l’inclusion numérique, nommé Inclusif. Ce jeu open source est destiné aux équipes chargées de concevoir des services numériques.  Le jeu de plateau se déroule en 2 heures en présentiel avec l’équipe projet. Il aborde la gestion de projet, l’expérience utilisateur (UX), l’interface utilisateur (UI), le développement web, et la gestion éditoriale. Le point de départ est un diagnostic. Il y a 11 questions et 46 cartes solutions associées. L’idée est qu’à l’issue du jeu, l’équipe dispose d’une liste d’actions concrètes à mettre en place.   

A la demande de notre directeur de l’informatique, notre équipe agit une fois que le projet a été mis en ligne pour faire une évaluation. Attention : il ne s’agit pas d’une évaluation RGAA. Ici on est sur des lettres de A (très inclusif) à E (pas inclusif). Cela nous permet de suivre l’évolution de chaque service numérique et chaque application métier. L’objectif est que d’ici la fin du mandat, c’est à dire 2026, tous les projets et les services numériques internes et externes aient un score d’inclusivité.  

On commence déjà à travailler sur la V2. Elle devrait sortir d’ici la fin de l’année.  

Le schéma pluriannuel est également un levier d’actions très important. Sur le conseil de la référente accessibilité numérique de la région Pays de la Loire, j’ai fait voter le schéma pluriannuel d’accessibilité par la Commission Permanente de la Métropole. En le faisant relire par la ligne hiérarchique avant de faire passer la délibération, ce schéma est devenu une arme importante pour formaliser la stratégie de la Métropole et fixer le cadre pour les prochaines années. 

En termes de visibilité au sein de la collectivité, cette validation politique fait qu’un grand nombre de personnes en ont pris connaissance. Maintenant quand je veux parler avec mes collègues des ressources humaines, des achats, ou du juridique, j’ai un point d’accès. Les plans d’action sont définis aussi avec des actions partagées avec mes collègues en fonction de leur domaine de spécialité. Maintenant que le schéma est voté, suivre ces plans d’action sera plus facile.  

En plus du schéma pluriannuel d’accessibilité numérique, nous avons travaillé sur notre schéma de promotion d’achat responsable pour qu’il intègre l’accessibilité numérique, avec notamment 10% des critères de d’évaluation qui sont alloués à l’accessibilité pour certains marchés de prestations. Ce schéma nous permet d’être plus exigeant avec nos prestataires. En ce moment, par exemple, une de nos batailles consiste à réduire le nombre de fichiers PDF inaccessibles publiés sur nos sites.