Trois questions à Cindy Lebat, docteure en muséologie

Pouvez-vous vous présenter rapidement ? 

Je suis docteure en muséologie, et ma thèse (que j’ai soutenue en 2018) a porté sur l’accueil des publics en situation de handicap sensoriel dans les musées. Depuis, je développe une activité de recherche, de conseil et d’étude en indépendante. Je suis également chercheuse associée au sein du Ghrapes, laboratoire de l’INSEI. Je m’intéresse particulièrement à l’expérience de visite des personnes en situation de handicap dans les musées, et plus largement à la place du handicap dans notre société.  

De plus en plus de musées s’engagent dans la mise en conformité des bâtiments et la mise en place d’outils de médiation pour améliorer le confort des visiteurs en situation de handicap dans leurs parcours de visite. Cependant, les chiffres de l’observatoire laissent penser que le confort des usages numériques est très peu pris en compte à ce jour. Quel serait à votre avis les raisons de ce décalage ?  

Effectivement, je partage ce constat. D’ailleurs, une étude que j’ai menée en 2023 a montré que les professionnels de musées en charge de l’accueil des publics – et notamment des publics en situation de handicap – sont globalement peu impliqués sur cette question de l’accessibilité numérique. Sur les 157 professionnels interrogés, près de la moitié déclare ne pas savoir si le site internet de leur musée est – au moins en partie – conforme aux normes d’accessibilité du RGAA. Cette logique de prendre en compte la visite dans sa globalité, comme un continuum incluant la préparation et éventuellement le prolongement de la visite via des outils numériques ne semble pas vraiment s’imposer. Sans doute la compartimentation des compétences et des métiers est-elle en cause, et c’est une raison de plus pour mieux penser l’accessibilité de manière transversale au sein des organisations.  

Comment inciter les musées à une meilleure prise en compte de l’accessibilité numérique ?   

Le site internet est très important pour les visiteurs de musée, mais pour les visiteurs en situation de handicap et leurs accompagnateurs, il est capital. Certaines personnes ne vont pas s’aventurer au musée si elles n’ont pas une information claire, fiable et vérifiée sur les possibilités d’accès. Sans information accessible, il n’y a pas de visite.  

Ensuite, pour avoir une inclusion réelle, il faut se demander la place qu’on va donner à chaque visiteur et s’assurer que l’accessibilité soit intégrée dans le site web de manière transversale. On doit pouvoir trouver les informations sur l’accessibilité aussi bien dans la rubrique “Visite en famille”, par exemple, que dans l’agenda des évènements.  

Si l’accessibilité des sites internet commence à être bien identifiée par certains établissements, il y a aujourd’hui trop peu de réflexion sur l’accessibilité des outils numériques de médiation culturelle proposés aux visiteurs, notamment les expériences dites immersives (voir article en téléchargement). Tout comme pour les sites web, il faut identifier la finalité de ces dispositifs et ensuite s’assurer qu’ils soient conçus de manière inclusive.  

Attention ce qui se passe sur le site internet en matière d’accueil des personnes en situation de handicap ne reflète pas forcément la réalité de l’accueil et de l’action menée sur le site, et vice et versa.